En Grèce, la hausse des investissements turcs et “la peur de la colonisation”

Les investissements de ressortissants turcs en Grèce, notamment dans l’immobilier, ont considérablement augmenté l’année dernière. Les motifs, variés, éveillent l’attention de la presse et des autorités grecques, qui se méfient d’aspirations géopolitiques cachées.
Un soupçon permanent. Les activités de ressortissants turcs en Grèce éveillent particulièrement l’attention des autorités et des médias du pays. “Que cherchent les Turcs sur le marché immobilier grec ?” questionne ainsi le site d’information News247.
Fin 2024, les investissements turcs en Grèce ont atteint 485 millions d’euros, soit une augmentation de 269 % par rapport à 2023, rapporte le média grec, qui interroge :
“Colonisation agressive, visas dorés pour l’Union européenne ou investissement intéressant pour leur monnaie ?”
Les relations tumultueuses entre Athènes et Ankara laissent planer le doute quant aux motifs des mouvements financiers. Dans une période d’accalmie et dans le cadre d’une diplomatie de rapprochement entre les deux pays, la Grèce avait facilité fin 2023 l’octroi de visas aux ressortissants turcs pour dix îles de la mer Égée.
“Mais ceux qui ont célébré la croissance du tourisme et l’afflux de capitaux semblent désormais inquiets”, souligne le site d’actualité.
Au point que les services de renseignements grecs s’intéressent ainsi à une centaine d’achats immobiliers le long de la frontière entre les deux pays, en Thrace comme sur les îles de la mer Égée.
“Les acquisitions, petites et massives de biens immobiliers dans les Rhodopes [un massif montagneux entre la Bulgarie et la Grèce] et dans l’Evros [un territoire de la périphérie de Macédoine-Orientale-et-Thrace] créent une peur de la colonisation”, selon News247, qui souligne qu’une dizaine de députés de la majorité ont soulevé le sujet au parlement.
Derrière les craintes et les fantasmes, les intérêts économiques pour les ressortissants turcs sont bien réels. La mise en place d’un “golden visa”, visa européen accordé en échange d’un investissement immobilier, a poussé de nombreux Turcs à acheter des biens en Grèce ces dernières années, tandis que la perte de valeur de la lire turque favorise les investissements à l’étranger.
“Un projet immobilier en Grèce peut rapporter par mois l’équivalent de trois salaires de base à Istanbul”, explique Pantelis Spyratos, agent immobilier à Thessalonique, à News247.
Dans la deuxième ville de Grèce, les achats immobiliers de ressortissants turcs ont commencé après le coup d’État manqué de 2016 et les répressions menées par le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan qui ont suivi, le pays voisin faisant alors office de refuge.
Exil, investissements, aspirations géopolitiques… Les motifs semblent nombreux pour les Turcs investissant en Grèce. Logiques individuelles ou aspirations collectives cachées ? “La question reste ouverte”, selon News247.
Courrier International